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La Révocation
de
l'Edit de Nantes
1685
I.- LES TENSIONS (
avant 1675 )
1/ dans le royaume:
Les protestants, au moment des révoltes de la Fronde se sont montrés partout fidèles,
mais ils restent souvent en lutte ouverte avec les catholiques sur le plan économique;
écartés en fait peu à peu des offices, ils se sont tournés vers la Banque et les
Manufactures. Pour beaucoup de catholiques, la persécution de l'hérésie est un moyen
plus ou moins conscient de supprimer des rivaux..
.
Aussi les Assemblées du Clergé ne cessent de demander au Roi l'extinction de
l'hérésie. L'Assemblée de 1665, se conformant à cette Tradition, présente une série
d'articles que Louis XIV n'aura plus qu'à convertir quelques années plus tard en édits.
Le Roi résiste, finit par céder, puis revient sur plusieurs de ses décisions.
Période donc, de mépris et de provocations mutuels des deux religions, dans un
équilibre fait de tensions.
2/ A Monflanquin
Les querelles, que ce soit pour le temple ou à propos des gages, permettent
d'appréhender cette situation tendue, sur le plan local.
Les protestants ayant récupéré une partie de l'Église pour en faire leur Temple le
curé souligne les inconvénients de ce voisinage ( RA 1913 p 236 )
: "Le Temple est bâti du côté du Levant sur les fondements de la muraille ancienne
de l'Église Tellement qu'à cause du voisinage dudit Temple on est ordinairement
interrompu dans l'Église en faisant le service, tant par les chants que son de
cloche". Dès 1630, François de Verthamont, intendant de Guyenne avait décidé que
"ceux de la Religion P.R.. quitteront et délaisseront dans les six mois au curé et
aux catholiques le Temple... I1 sera pourvu aux dit de la Religion Pull. d'un lieu commode
pour bâtir le Temple et d'une place pour leur servir de cimetière en l'étendue de
ladite ville ..."
Mais, au grand dépit des catholiques, il faut attendre 1668 pour que cette ordonnance
connaisse un commencement d'exécution, à la suite d'une rencontre organisée à Montaud
le Vieux entre représentants catholiques et protestants sous l'arbitrage de MM. BELSUNCE
et LAMOTHE. Si la pression s'accentue les protestants peuvent encore discuter et faire
valoir leur point de vue...
1668, c'est aussi l'année où cet autre problème endémique des gages rétribués par la
Jurade nécessite l'intervention de l'intendant PELLOT, qui essaie de donner satisfaction
aux deux parties. A la requête des syndics du diocèse d'Agen# selon laquelle deux
religieux du Couvent des Augustins de Monflanquin exercent la fonction de Régent et que
ces religieux prêchent, en raison de quoi ils touchent chaque année la somme de 40
livres, l'intendant donne satisfaction à Monsieur de BECAYS et à ceux de la Religion
P.R. qui obtiennent que cette somme leur soit restituée pour l'année précédente et
maintenue à l'avenir... Par contre le 27 Février de la même année ordonnance de
l'intendant rendue à la requête du syndic du clergé d'Agen: le greffier de la
communauté de Monflanquin étant dénoncé comme étant de la Religion P.R., les
protestants en outre ayant fait attribuer au médecin de la ville des gages ordinairement
donnés au prédicateur, il est décidé de destituer le greffier qui sera remplacé par
un catholique et que sur les cent livres de gages attribués au médecin la moitié sera
donnée au prédicateur du carême (AA 3467 BB 4 )
En juin 1673 le Temple revient sur le devant de la scène, car "par arrêt du Conseil
Exécutoire ... le délaissement du Temple a été ordonné en faveur des
catholiques...". "Le susdit second jour de juin a été procédé au
picquettement pour édifier un nouveau Temple à la place sur la brèche appelée du
Picamil et sur la rue des Vignes... et ce même jour, après avoir emporté de l'ancien
Temple tant la chaire que bancs et cloches... un des pasteurs a fait la prière de ladite
place sur le psaume 122°, à la grande consolation de tout le public". (
R A 1913 p 238 ).
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- X X
X
- II- LES
CONTRAINTES ( après 1675 )
1/ Dans le royaume
Dès 1675, pendant la guerre de Hollande, au moment où l'Assemblée Générale du Clergé
renouvelle ses demandes de poursuites, le gouvernement essaie de procéder à la
conversion méthodique des huguenots
En 1676, est établie "la caisse des conversions" sous la direction de PELISSON,
lui-même huguenot converti. C'est aux frais de l'Église et du Roi que se font ces sortes
d'opérations. Le tarif en est minime : 6 livres en moyenne; à ce prix beaucoup de
miséreux apostasient ( H.S. p 226 ) .
En 1682, l'Assemblée du Clergé adresse aux protestants un Avertissement Pastoral et des
menaces. De son côté, Louis XIV écrit aux évéques qu'il a ordonné aux intendants des
généralités de s'entendre avec eux pour prendre toutes les mesures capables de
"contribuer au succès de ses projets". Les huguenots sont officiellement
avisés dans leurs Temples: on va les convertir non plus en puisant à la Caisse de
PELISSON, mais par la force ( H.S, p 227 ).
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- 2/ A Monflanquin
Cette évolution est aisée à suivre, au fil des pages du Livre de Raison de Pierre de
VERNEJOUL (AA PL 394 )
a) Les années 1680 - 1681:
. 1680, "Le 12 décembre jour de jeudi ... a été enregistré deux
déclarations contre nous: une qui défend le mariage entre catholiques et ceux de notre
religion et l'autre qui permet au juge des lieux, assisté de deux habitants, d'aller voir
le malade de cette religion et savoir de quelle religion il veut mourir" (
p 414 )
. 1681, "Le lundi 14 juillet à l'audience de la grande chambre...
a été enregistrée une déclaration de Sa Majesté qui veut que les marguilliers aux
lieux où il n'y a ni juge ni autre off icier, aillent visiter les malades de notre
religion pour savoir dans quelle religion ils veulent vivre et mourir" (p
415)
"Lundi 21 juillet en l'audience de ta
grande chambre a été publiée la déclaration du Roy portant que les enfants de ceux de
notre religion pourront abjurer leur religion â l'âge de 7 ans même aux pères desquels
ceux qu'ils auront au pays étranger à peine de privation du revenu de leurs biens pour
la première année et de la moitié pour les autres, jusqu'à ce qu'ils soient de
retour" ( p 416 )
En décembre, les Registres de la Jurade (f3.1\3466
BB 3 ) mentionnent de leur côté : "l'arrêt du Conseil d'État,
du 24 novembre, excluant pour toujours du Consulat et du Conseil Politique de Monflanquin
les P.R. attendu qu'ils sont la cause de la mauvaise administration de cette ville".
"Ce jeudi 18 décembre... prise de corps
de mon fils ( Daniel de VERNEJOUL ), le ministre de Bergerac, lui ayant supposé qu'il
avait reçu une abjuration et béni un mariage entre des fiancés de contraire religion
depuis les défenses de Sa Majesté et j'ai immédiatement dépêché pour avertir à
Bergerac afin qu'il ne fut pas surpris, pour pourvoir aux moyens de faire voir son
innocence" ( p 416 )
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- b/ L'année 1682:
Daniel de VERNEJOUL, en fait, est pris dans le filet qui se ressert sur les protestants et
à ce titre, tout comme son père# devient exemplaire de ce qui se passe dans le Royaume.
Dès 1668, le clergé de Bergerac affirme " le Temple bâti dans la ville trop
magnifique ". Le 18 septembre 1679 le clergé obtient du Conseil d'État un arrêt
qui ordonne la démolition du Temple du quartier de la Madeleine et dès lors cherche à
obtenir que le seul Temple restant dans la ville soit également démoli et la Religion
Réformée interdite. Pour cela il sait faire naître des prétextes pour arriver à ses
fins ( AA 1 PL 393 p 19 ) .
"Ce matin samedi, dernier du mois de janvier 1682, en la chambre j'ai obtenu arrêt
sur mon fils... Le jour même il est sorti de prison " ( p 418 ).
"Jour de mercredi le 9 septembre, intervient ce malheureux et inique arrêt ( du
Parlement de Toulouse saisi par celui de Bordeaux ) que les juges rendirent par lequel il
fut interdit pour sa vie de pouvoir faire aucune fonction de son ministère dans le
royaume et l'exercice interdit pour toujours à Bergerac, que le Temple serait démoli et
une croix plantée au milieu de la place. Est à noter que le jour même de l'arrêt qui
fait quitter la robe à mon fils ce même jour me la fait quitter à moi pour ma charge de
Procuteur au Parlement car l'arrêt du Conseil enregistré au Parlement de Guyenne faisait
finir le terme pour le vendre" ( p 419 )
"Octobre/novembres j'ai eu la nouvelle que tous mes collègues de Religion ont vendu
leurs charges et ceux de Toulouse ont aussi vendu, personne n'ayant préféré ni le bien
ni les honneurs du monde à la Religion" ( p 420 )
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c) L'année 1683:
La relation par Pierre de VERNEJOUL des avanies subies par les familles protestantes de
Monflanquin trouve une confirmation dans les écrits de CASTILLON, responsable de
l'Église Réformée de Monflanquin. A eux deux ils brossent un tableau qui se suffit à
lui-môme pour comprendre la période.
"20 mai, mon fils (Daniel) le ministre voulant partir pour la Hollande demain matin
avec sa femme, mon fils cinquième et une servante, je lui donné 500 livres" -
"21 mai mes deux enfants avec la femme de lainé et une servante sont partis pour
Laroque pour aller à Tonneins s'embarquer pour Bordeaux et de là en Hollande par la
permission du Roy" (p 421)
"Ce 3 novembre j'ai fait des rouleaux d'or... que j'ai mis dans un sac dans mon
cabinet de Laroque, destiné à m'en servir en cas que je fusse obligé avec ma famille à
quitter le royaume pour la Religion et abandonner le reste de mon bien" (
p 422 ) .
"Le 18 novembre", note par ailleurs CASTILLON, le responsable de l'Église
Réformée de Monflanquin, "Messieurs du Consistoire de ceux de notre religion m'ont
fait signer deux lettres avec eux, l'une à Monsieur le Chancelier et l'autre à Monsieur
le Marquis de .... notre député général, toutes deux sur le sujet du piteux état où
nous sommes réduits, le tout tendant principalement pour la remise de notre exercice de
Religion que je prie la Toute Puissance du Bon Dieu de vouloir nous rendre" (
RA 1913 p 240 ).
"Dimanche 5 décembre", reprend Pierre de VERNEJOUL, "suis allé à Montaut
au prêche et la fille de laquelle ma femme accoucha le 3 décembre a été baptisée par
Monsieur VÉDRINES, ministre" ( p 422 )
"Le 6 décembre", indique à son tour CASTILLON "je signe un acte de notre
Consistoire en qualité d'Ancien par lequel attendu la nécessité que nous avons d'argent
pour nous défendre notre Temple et exercice" ( RA 1913 p 241 )
"7 décembre", précise P. de VERNEJOUL "je suis parti de Laroque avec
Monsieur VÉDRINES ministre pour aller à Tonneins/Dessus au synode comme député de
l'Église et j'y suis demeuré jusqu'au lundi 27 dudit mois que je suis revenu à
Monflanquin... Le lendemain 28 dudit mois le Temple a été ouvert et le sieur RIVASSON a
presché, et y eut une si belle Assemblée que jamais l'Église n'a paru si
nombreuse" ( p 422 )
"Le mardi 28 décembre" confirme CASTILLON "sur ce que depuis 8 mois ou
davantage notre Temple avait été fermé... Le Bon Dieu nous a fait cette gràce de voir
ouvrir le dit Temple de l'autorité du synode tenu à Tonneins/Dessus par permission du
Roi; et Monsieur de RIVASSON, ministre du St Evan Çile qui nous a été envoyé par
Messieurs du Synode y a dignement prêché sur la première épître de St Paul aux
Galates, verset 3 ...". Pendant ces 8 mois de fermeture "nous avions souffert en
allant aux Eglises circonvoisines fort éloignées. Tous ceux de ma famille avec moi nous
étions rangés à l'Église de GAVAUDUN". ( R A 1913 p 241 ).
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- d) L'année 1684 :
Cette année commence par la fermeture du Temple, à peine réouvert, et se termine avec
les premières dragonnades mentionnées autour de Monflanquin. Les registres de la Jurade
et les témoignages de Pierre de VERNEJOUL et CASTILLON concordent.
"Le 3 janvier", l'intendant de Ris ayant interdit par ordonnance l'exercice
religieux dans les lieux où il avait été rétabli depuis le dernier Synode "le
nommé PASSALAYGUE, sergent d'Agen étant venu le signifier au sieur de VERNEJOUL l'un des
Anciens, nous avons en conséquence cessé nos exercices" pour retrouver le chemin
des Temples environnants comme les mois précédents . ( R A 1913 p 242
).
"17 avril" dans ce contexte plutôt sombre une bonne nouvelle cependant sous la
plume de Monsieur de VERNEJOUL : "Monsieur MATURIN# ministre à Monflanquin puis à
La Réole, étant prisonnier au château Trompette par ordre du Roi, a été élargi par
Monsieur l'intendant" ( p 424 )
"Le dimanche 21 mai, jour de Pentecôte pendant que Monsieur FRESCARODE, ministre à
Montaud, était en chaire un sergent de justice et quatre soldats sont entrés dans le
Temple pour lui signifier un ajournement personnel avec tant de menaces et de troubles que
tout le peuple a été contraint de quitter et obligé de se retirer" (
p 424 )
"Le 24 septembre étant allé à Gavaudun avec ma femme pour ouïre le prêche, nous
en avons été privés à cause que le jour avant on avait signifié à monsieur GERVAIX
ministre un ajournement personnel, de l'autorité du Parlement" ( p
424 )
Le 4 décembre, première mention des dragonnades... "on a logé les cavaliers dans
la paroisse" ( p 425 )
Cette même année, la Jurade de Monflanquin a attribué au paiement du prédicateur les
100 livres de gages de Pierre FOURNIER, médecin de ville et protestant. Celui-ci a beau
s'élever contre cette mesure que rien ne justifie, rien n'y fait. (A A
3470 B B 7 ) .
Fermeture des Temples, mesures individuelles, restrictives, premières dragonnades, la
crise prend de l'ampleur.
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-
- Jusqu'au bout le protestantisme, de prudence en concessions qu'il avait dû
multiplier, avait su préserver llessentiel. Jusqu'au bout les Académies réformées
n'ont pas vu fléchir le nombre de leurs proposants, ni les consistoires se dérober les
laies choisis comme Ancien, ni le petit peuple huguenot cesser de chanter les Psaumes.
Mais la logique même de l'Absolutisme amenait à cette Révocation.
La seule année 1685 voit la promulgation de près de trente ordonnances Royales contre
ceux de la Religion Prétendue Réformée, dont la dernière, le 18 Octobre, est la
Révocation de l'Édit de Nantes. C'est l'époque des dragonnades, moins féroces qu'elles
ne sont dans d'autres régions, mais les récits terrifiants qui arrivent du Languedoc, de
Montauban, de Bergerac# incitent les Protestants de l'Agenais à courber le dos en
attendant que passe l'orage. Sans compter que bien des réformés peuvent hésiter entre
deux devoirs; ne leur a-t-on pas constamment dépeint dans leurs propres Temples depuis
163,91 l'obéissance au Roi comme une exigence religieuse ?
I.- LES ABJURATIONS A
MONFLANQUIN :
1/ Les abjurations en masse:
Pour la seule juridiction de Monflanquin un historien atteste que 5 000 conversions vont
être obtenues. Les registres de la juridiction de Monflanquin quant à eux dénombrent (A
A 3469 à 3567 G G)
" à Montagnac paroisse de Saint Martin 46 abjurations ".
" à Monségur, paroisse de Notre Dame de Monségur ou Montesac 80
abjurations "
" paroisse de Saint Germain de Tayrac 6 abjurations "
" à Notre Dame de Corconac et Saint Michel de la Sauvetat 18
abjurations "
" à Calviac abjuration de Abraham MAURY, David BIEAU, Olivier REY
écuyer,
- Sieur de la PLANE et de sa femme Isabeau de
MAISON-NOBLE, MORET,
- CANTEPINASSOU, CHAIRES, JOUGLA "
" paroisse de Saint Hilaire liste des nouveaux convertis de
paroisse dressée le 31 août avec 68 noms
".
En septembre, Pierre de VERNEJOUL constate "Non seulement Monflanquin ayant changé
mais presque tout le pays, il ne restait que moy ma famille et celle de mon cousin BECAYS
de MAUREL qui avaient de gros logements" (A A 1PL 394 p 428 )
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2/ Le cas exemplaire de
VERNEJOUL:
Le récit fait par Pierre de VERNEJOUL de cette année 1685 permet de comprendre comment
même les plus attachés à leur religion finissent par céder et abjurer.
- a) L'année 1685 : la résistance.
En avril, VERNEJOUL isolé va au préche de plus en plus loin, à Monsempron.. Quelques
jours après le curé de Monflanquin, MOLINIER, se met en possession de la maison que
JOSSE tenait du Consistoire et l'en fait partir et "de ce temps là la nouvelle est
venue que les Temples de Pujols, Lustrac et Monsempron avaient été fermés ..."
- ( p 425 )
En Juin, alors que la garnison a délogé de Monflanquin quelques jours plus tôt "ma
femme a accouché d'un garçon... nous l'avons porté à Villeneuve pour être baptisé et
cela a été fait dans la maison de ville par Monsieur LAMOTHE ministre, établi là par
Sa majesté... Le baptême a été écrit sur deux livres, l'un gardé par les Consuls et
l'autre par le ministre où j'ai signé." ( p 425 )
En août, "le 29, envoyé mes trois enfants et leur précepteur (le sieur Pierre de
ROBERT) chez un mien parent, à cause des gens de guerre ..." "Le 31 à Laroque,
ma femme, ma mère et £e reste de la famille est sortie de la maison à cause des gens de
guerre.. j'ai été obligé d'aller coucher ailleurs, dans un grenier, ne trouvant point
d'autre azille". ( p 426 ).
En septembre : "le Ier de ce mois, étant retourné à ma maison à Laroque ... un
des officiers me prit et m'ayant écarté de la maison me dit sans autre compliment qu'il
fallait changer de religion"..."Le 2 septembre toutes ces gens ayant délogé,
emporté tout ce qu'ils ont voulu, car ma maison était pleine."... "Le 4
septembre Messieurs LATOUR et MORET docteur qui avaient changé et presque tout
Monflanquin sont venus me voir... Le 5 ayant reçu un billet de logement de deux
compagnies et ce monde composant plus de 200 hommes, ma femme n'a pu se résoudre à
rester, nous sommes allés nous cacher dans une grande haye au milieu d'un champ au delà
e bois de Laroque" ( p 427 )
"Nous sommes allés trouver la pauvre Madame DAUBUS "..."la maison
saccagée, la metheyerie ruynée. Ils avaient tué les boeufs, moutons, volailles perssé
une demye douzaine de barriques avec des tarayres, fermé avec des quilles, bref il
semblait que les démons y avaient été". Par contre "Comme ma cousine de
VÉDRINES avait changé il y eut délogement et elle faisait faire ses vendanges, son mary
ministre s'en estant allé avant, avec un de ses enfants, suivant la déclaration du roy
et estant en Hollande"
Ces deux faits sont exemplaires du mécanisme imaginé pour amener les protestants à
abjurer: "pendant tout le séjour que ces troupes firent, les soldats allaient dans
la paroisse chez ceux de la Religion, le curé qui avait son bonnet et autres ornements
recevait les abjurations de tous ceux qui venaient et les soldats avec cela quittaient
."
- ( p 428 )
En décembre, le Duc DE LA FORCE laisse à VERNEJOUL, réfugié depuis la mi-septembre
auprès de lui, procuration générale de ses affaires comme intendant de sa maison. Le 16
décembre "ma femme est arrivée à La Force ayant été obligée de se cacher et
fuir parce qu'on la cherchait pour la prendre et mestre dans un couvent"(
p 430 ).
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b) L'année 1686 : l'abjuration
forcée :
"Le 17 janvier une lettre de Sieur LARTIGUE de Thoneins qui me marquait que Monsieur
l'Évêque d'Agen lui avait dit de m'écrire que si je ne voulais point changer comme les
autres, que l'on irait me démollir ma maison et que l'on doublerait encore la .
charge."... "Dieu m'inspira d'aller moi-même fermer la porte du château et
rapporter les clefs de ma chambre, car autrement les troupes qui arrivèrent un moment
après autour du château et qui heurtèrent seraient entré et m'auraient pris avec ma
femme ." ( p 431 )
"Le 18 janvier trois heures avant jour... j'entendis parler des gens... c'était des
gens de guerre. Avec ma femme nous travaillâmes à mettre la chambre où nous logions en
état de ne pas connaître qu'on y eut couché et fûmes nous enfermer dans le petit
cabinet de Madame qui est dans la muraille"... "On passa et repassa dix fois
devant notre cabinet; nous les entendîmes parler et Dieu nous ayant sauvés les troupes
se retirèrent... Le 19 Janvier pendant la nuit ma femme et moi quittâmes La Force et
nous étant conduit cette nuit même à un cabaret, sur le port de Bergerac nous y
demeurâmes la journée" ( p 432 ).
"Le dimanche 20 janvier, c'est à dire pendant la nuit du 19 au 20 ma femme et moi
nous conduisîmes chez un de nos amis qui nous reçut avec grand peur pour lui et pour
nous... la nuit du lundi au mardi nous quittâmes ce lieu et fûmes à un autre chez de
bonnes gens qui nous reçurent avec moins de peur... dans une mauvaise chambrette obscure,
sans cheminée..." ( p 432 ).
"Nous eûmes nouvelle que le 24 dudit mois, jour de jeudi, notre maison de
Laroque-David avait été démolie... On n'épargna pas même la Chapelle des morts, car
on la mit à bas, le pigeonnier brisé, jusqu'à avoir fait ouvrir le vivier et l'on
épargna que le moulin, car on se contenta de voler le mais et rompre un peu les tuiles...
On avait fait vendre tous les bestiaux des méthayers les bois, fait arrêter tout ce qui
pouvait m'être dû; en un mot qu'on m'avait entièrement mis à nu". (
p 433 )
"Le 30 janvier un de mes amis nous ayant découvert et étant venu il me rapporta
qu'on nous cherchait partout ma femme et moi, qu'il y avait 50 louis pour celui qui nous
découvrirait et qu'on nous ferait pendre étant pris. I1 m'a rapporté aussi que l'on
avait mis ma mère et mes enfants en sûreté, c'est à dire en prison, et le maître de
notre cabane m'ayant dit qu'il ne pouvait plus me donner retraite, qu'il y allait de sa
vie, je fus obligé de partir seul, la nuit, ayant laissé ma femme fort désolée et m'en
allait coucher à un lieu appelé Saitt Crépezy près de Cahuzac". (
p 433 )
"Le 31 janvier étant approché de Monflanquin et découvert, je fus pris et mené à
Roqueffaire chez le curé, avec Messieurs de LATOUR et MORET, médecin, et ayant pleurer
tous ensemble écrivit sur un livre et me fit signer. Dieu veuille me pardonner par sa
grâce... voulant vivre et mourir dans la Religion qui nous est marquée par sa Sainte
Parole". ( p 433 ).
"Le mardi 6 février ma femme étant au lit à Rastoulhac le curé de Lysac y est
venu et l'a obligée à signer sur un livre comme celui de Roqueffaire m'avait fait faire
à moi." ( p 434 )
"21 septembre l'officier de Monflanquin est venu me dire de la la part de Monsieur
CRILLON, commandant des Troupes, qu'il était averti que je ne faisais pas mon devoir
c'est à dire que je n'allais pas à la messe ni autres exercices et que l'on m'enverrait
logements si je ne faisais pas mieux." ( p 435 ).
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II.- LES GALÈRES, L'EXIL:
"La plupart des pasteurs de la nasse Guyenne avait été emprisonnés dès 1683 et ce
n'est qu'à la Révocation qu'ils furent bannis du Royaume, disposant de 15 jours pour se
retirer... Cependant VERGNOL Ministre de Monflanquin compte parmi les galériens pour la
foi". ( B S H P F 1857 p 90 ) .
1/ Les galères:
En effet men février 1686 le parlement de Bordeaux condamne aux galères
perpétuelles comme relaps, Jean VERGNOL, ancien ministre de Monflanquin qui avait
abjuré... ( B P P 7822 Douen p 47 ).
Une lettre, partant le 8 février 1636 de la Réole, adressée au ministre d'État par le
magistrat qui en dépendait, atteste que VERGNOL fut condamné, ses juges le sachant
innocent: "Monsieur Je vous envoie une copie ci-jointe d'une arrestation que nous
avons rendu ce matin contre un ministre mal converti. Je dois vous dire Monsieur que la
preuve était délicate et même défectueuse dans le chef principal, et que néanmoins le
zèle des juges est allé au delà de la règle pour faire un exemple - DAULEDE premier
président du Parlement de Guyenne". ( B H S P F 1884 p 10 ).
La vie des galériens sous Louis XIV est relatée dans les "Mémoires de Jean
MARTEILHE" natif de Bergerac dont la famille eut à subir les dragonnades, le père
l'emprisonnement et lui-même les galères.
"Le jour même de mon arrivée, on donna la bastonnade à un malheureux forçat: on
fait dépouiller tout nu, de la ceinture au haut, le malheureux qui doit la recevoir; le
ventre sur le coursier de la galère, ses jambes pendantes et ses bras à l'opposite, on
lui fait tenir ses jambes par deux forçats et les bras par deux autres; et le comité
(qui commande les rameurs) est derrière lui qui frappe un robuste Turc (ne fut-il pas
vraiment Turc t'est un galérien robuste) pour l'animer à frapper de toutes ses forces
avec une grosse corde sur le dos du pauvre patient... Après le barbier vient lui frotter
le dos tant déchiré avec du fort vinaigre et du sel pour faire reprendre la sensibilité
à ce pauvre corps et pour empêcher que la gangrène ne s'y mette."
"Je me suis trouvé avoir ramé à toute force pendant 24 heures sans nous reposer un
moment... Pour lors on n'entend que les hurlements de ces malheureux ruisselants de sang
par les coups de corde meurtriers qu'on leur donne... Et lorsqu'un de ces malheureux
forçats crève sur la rame, on le jette à la mer comme une charogne."
Blessé au cours d'une bataille navale "on m'emporta à fond de câle... A cause du
grand nombre de blessés, je fus trois jours sans être pansé qu'avec un peu d'eau de vie
camphrée que l'on mit sur une compresse pour arrêter le sang sans aucun bandage ni
médicament. Les blessés crevaient comme des mouches dans ce fond de càle où il faisait
une chaleur à étouffer et une puanteur horrible. On me sortit de là, de même que
plusieurs autres, avec le palan à poulie, comme des bêtes."
-
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2/ L'exil
-
- C'est à compter de 1683 et surtout dès la Révocation que le flot de refugiés
déferla à travers l'Europe... Une recrudescence des passages se révèle en 1699 et
1700... de même 1715-117. C'est ainsi qu'à chaque recrudescence des persécutions en
France correspond une augmentation du nombre de fugitifs ( B S H P F 1966
p 355 ).
Avant les départs, peu de ventes de biens, d'ailleurs interdites aux Nouveaux Convertis;
seulement des arrangements de famille, parfois les fugitifs abandonnent leurs biens que
les plus proches parents, convertis pour conserver le patrimoine, s'empressent de
recueillir, évitant ainsi qu'ils ne tombent sous la Régie des biens des Religionnaires
fugitifs .( B S H P F 1966 p 356 )
Daniel de VERNEJOUL, dont le père relate le départ dans son livre de Raison (
cf. Chapitre 1 "Les années qui précèdent") est un exemple
de ces protestants en exil; D. BENOIT en a retracé l'existence dans une brochure à peu
d'exemplaires, réservés à la famille . (A A 1 PL 393 ) .
Accusé, en 1682, par les catholiques, on s'en souvient, Daniel de VERNEJOUL est
emprisonné dans l'attente du jugement du Parlement de Toulouse. Libéré le 12 septembre
il se retire à Monflanquin où, le 8 octobre, lui parvient une lettre signée de Louis
XIV et contresignée de COLBERT, l'autorisant d'aller s'établir en Hollande. C'est en mai
1683 qu'il s'embarque à Bordeaux "avec sa femme, son valet, sa servante et quelques
meubles pour son usage"; il porte des attestations des Eglises de Caumont,
Monflanquin, Bordeaux Réole.
Daniel de VERNEJOUL, avec sa femme, débarque à Amsterdam, ne tarde pas à être appelé
à Rotterdam où ses prêches sont appréciés; mais il passe en 1684 à Arnheim où
l'église française s'organise et en 1686 se fait adjoindre un second Pasteur, MATURIN
lui-même un moment ministre à Monflanquin avant son exil.
En 1693, la seconde place de pasteur devient vacante dans l'église Réformée Française
de Hambourg Altona et c'est Daniel de VERNEJOUL qui est nommé. Hambourg devait être sa
dernière église, il la desservit avec distinction pendant quarante trois ans. En 1725 il
perd sa fidèle compagne, Marguerite de JAURE, qui avait partagé avec un grand
dévouement ses fatigues et ses travaux. Elle ne laissait point d'enfants à son mari et
ce dernier adopta l'un de ses neveux, François de VERNEJOUL, premier lieutenant au
Régiment du Prince Royal de Danemark. Daniel de VERNEJOUL, plus qu'octogénaire,
s'éteint en 1736.
-
- Partis dans les mêmes années que Daniel de VERNEJOUL - et surtout après la
Révocation - six cent trente trois protestants pour le seul Haut-Agenais dont quinze
originaires de Monflanquin; Ces exilés se sont dispersés entre la Hollande,
l'Angleterre,
l'Irlande, l'Allemagne, la Suisse et les Etats Unis. Plus précisément bannis du Royaume
les pasteurs et parmi eux MATURIN Gabriel RIVASSON Jean, bien connus des protestants de
Monflanquin.
Sans oublier Pierre de VÉDRINES, pasteur à Montaut-Biron et à Gontaut; en effet Pierre
de VÉDRINES quitte la France pour la Hollande,comme son cousin Daniel de VERNEJOUL (
A P F de Védrines)
- D'autres encore, dont on retrouve la trace sur les Registres du Consistoire de
Genève :
11 mars 1697 MAUGEOIS Suzanne (
BSHPF 1916 p 152 )
18 août 1712 BISTOTE Marie ( BSHPF
1927 p 238
Ce qui atteste d'une part que ce mouvement est continu vers l'exil et d'autre part que ce
mouvement atteint non pas seulement les responsables de Religion Prétendue Réformée
mais aussi les simples croyants.
-
Haut de page
Le fort mouvement d'émigration, commencé dans toute la France dès avant la Révocation,
ne fit que s'accentuer après 1685; un peu moins du quart de la population protestante
passa la frontière. La proportion fut sensiblement la même en Agenais. S. MOURS évalue
à environ. 10 000 le nombre de fugitifs, mais elle varie beaucoup suivant les régions:
elle fut importante à Clairac, Nérac, Tonneins; au contraire, si l'on en juge par les
registres paroissiaux, les Protestants du Nord et de l'Est de l'Agenais semblent avoir
choisi de résister sur place.
I.- LES
DERNIERES ANNÉES DU XVIIe SIÈCLE :
1/ L'oppression :
a- Le quotidien à Monflanquin:
Faisons une fois encore appel au livre de Raison de Pierre de VERNEJOUL pour saisir le
quotidien des protestants à Monflanquin ( A A 1 PL 394 )
.1681- "Le 25 janvier on a porté nouvelle céans qu'il y avait un commissaire â
Monflanquin qui avait un ordre pour pour faire démolir le Temple nouveau basti à la
porte de Piquamil"„."Le 27 à janvier ce matin on a travaillé à mettre
bas le Temple neuf avec des cris et des hurlements effroyables par ceux qui. y
travaillaient."..."Le 14 mars j'ai été à Monflanquin voir Monsieur CRILLON,
commandant les troupes, il m'a dit de ne plus tenir de précepteur Nouveau-Converti â mes
enfants et de faire aller ma femme aux exercices, autrement qu'il la ferait mettre au
couvent" ( p 435 ).
.1688 - "Le 14 août, le sieur MOREST-PERSSY a été mis en prison par le sieur
LATREILLE, commandant, prétendant qu'il ne voulait plus aller à la
messe."..."Le même jour logement sur les nouveaux-catholiques à la campagne,
et dans la suite on l'étendit sur la paroisse ce qui fit beaucoup de mal"
,.."Le 16 novembre on a publié à Monflanquin l'édit nouveau du Roy pour las armes
au regard des Nouveaux-Convertis et le 24 du même mais j'ai déclaré â Messieurs les
Consuls par un acte reçu de Monsieur CAPDEVILLE, notaire, que j'étais de naissance à
avoir une épée et deux paires de pistolets". ( p 436 )
.1689 - "Le dimanche 12 juin ma mère est décédée... le soir même j'envoyai le
sieur GOUDAIL avertir le curé de cette mort et ayant dit qu'il ne voulait point
l'ensevelir, je lui ai fait une fosse dans mon jardin, à Cap de Port proche le pied de
sauge et la nuit l'ayant fait mettre dans un coffre elle a été ensevelie par mes
domestiques avant le jour" ( p 436 )
.1691 - "Le 21 décembre le procureur du Roy est venu me dire qu'hier Monsieur
CONTENSON, chirurgien, lui avait remis un écrit de sa main contenant dénonciation contre
moi d'avoir fait rebâtir ma maison de Laroque, démolie par ordre du Roy pour ma
désobéissance à ses ordres, et que je ne faisais pas les fonctions d'un catholique, ni
ma famille " ( p 437 )
Haut de page
b) Les ordonnances et arrêts du Roi:
..Ainsi les ordonnances autorisant la main mise sur les biens du Consistoire après
inventaire, chose faite à Monflanquin dès 1686 ( A A G/H 362 ).
"État des sommes qui étaient dues au Consistoire de ceux de la Religion Prétendue
Réformée ou qu'on supposait être dues Soit pour l'entretien du ministère soit pour
celui des pauvres de la ville en juridiction de Monflanquin. Recueillis sur divers
mémoires par l'Ancien S (? illisible ) qui était en charge en l'année 1682 et qu'il
remet pour satisfaire aux ordres de Sa Majesté aux mains de monsieur Maistre DEBECAYS
avocat en Parlement et juge royal dud. Monflanquin ".
Sait, sur sept grandes pages caligraphiées, une liste de 50 noms avec inventaire des
biens concernés. Le tout se termine par "A toutes ces pièces sont ajoutées sept
autres pièces servant de titres concernant l'acquisition faite par ceux de la Religic
Prétendue Réformée de Monflanquin, des maisons, places et jardins sur lesquels a été
édifié le Temple Neuf ou pour leur cimetière, de plusieurs particuliers en date de
1641, 1643, 1676, 1680 et 1681... Audit Monflanquin ce jourd'hui 4 mai 1685."
Ainsi le système des lettres de réhabilitation à travers l'exemple de Jean Jacques de
PERCY (APF : SCHLOESING ) .
"J'ai reçu de Jean Jacques de PERCY sieur de Combes petit fils de Daniel de PERCY
réhabilité par lettres du 4 décembre 1.598 vérifiées le 8 mars 1640, la somme de 700
livres à laquel le été taxé au Conseil du Roy par le rolle arrêté en iceluy le
onzième jour de avril 1695 exécution de l'Edit du mois de décembre 1692. Vérifié au
besoin a été; pour jouir par luy les enfants nés et à naître en légitime mariage, de
l'effet d'icelles; sans qu'à l'avenir, pour quelque cause et raison que ce soit ils
puissent être recherchés, ni tenus de rapporter autres titres ni preuves de Noblesse que
lesdites lettres de Réhabilitation et la présente quittance; lesquelles leur tiendront
lieu à l'avenir et produiront le même effet que des lettres de Confirmation de Noblesse.
Fait à Paris le 23° jour de avril mil six cent quatre vingt quinze".
Moyen pour le roi de faire sentir sa toute puissance à sa noblesse, tout en trouvant une
source de revenus non négligeable. Moyen de canaliser les protestants d'une petite phrase
assassine "les enfants nés et à naître en légitime mariage" c'est à dire
devant le curé. Volonté au total de museler cette noblesse protestante terrienne autour
de laquelle gravitent les ruraux appartenant à la Religion Prétendue Réformée.
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2/ La
résistance du Protestantisme:
a) Culte familial:
Malgré toutes ces pressions, tracasseries, vexations, beaucoup de protestants font comme
Pierre de VERNEJOUL qui avoue "Ayant été forcé à signer une abjuration, je puis
vouloir aller faire de fonctions d'un catholique romain par hypocrisie ni profaner leurs
mystères; mais je demeure dans ma maison priant Dieu selon ma Religion" (
p 437 ).
Les Archives de l'Évêché d'Agen conservent le souvenir de ce culte familial au travers
des rapports qui lui étaient adressés, les Protestants étant soumis à un véritable
réseau de surveillance ( A A 11 362 ):
"La demoiselle de la FONTAINE reçoit des visites tous les jours de dimanche au
chateau de Born pendant qu'on est â la messe et il se rend auprès d'elle 7 ou 8
personnes, entre autres le nommé LAPLAINE de Monthau obstiné hérétique qui a été
domestique ( illisible ) de PAULHIAC arpenteur ".
"Jean CAYROUNA sieur de la Bruyère est aussi regardé comme chef de bande. Faisant
le docteur, il donne sa maison pour faire une académie où il fait de grandes assemblées
sous prétexte de jouer".
"David BIAU fait profession ouvertement d'aller chez les malades leur prêcher à sa
façon, leur faire la lecture de quel ques livres défendus pour les confirmer dans leurs
erreurs".
-
- b) Pasteurs clandestins:
D. BENOIT dans sa plaquette sur Daniel de VERNEJOUL relate brièvement l'odyssée du
pasteur MATURIN qui a choisi comme d'autres de revenir clandestinement en France pour
prêcher ( A A 1 PL 393 ) .
"MATURIN Gabriel, d'abord pasteur à Monflanquin puis à La Réole, réfugié à
Dordrecht après sa libération de la prison de Chateau-Trompette, installé comme
ministre extraordinaire d'Arnheim en avril 1687 .... il rédige un ouvrage dont le titre
indique assez l'esprit... MATURIN ne se contenta pas d'écrire il voulut agir. I1 fit part
au synode, réuni le 20 avril 1689 à Utrecht# de son désir d'aller prêcher sous la
croix; et le 25 août il rentrait incognito dans sa patrie" ( p 30
).
"Arrêté à Paris, sous le nom de LESTANG, le 16 avril 1690, chez un certain MALLET
son coreligionnaire, il dut expier dans les Îles de Sainte Marguerite, par une captivité
de vingt cinq ans, le crime d'être rentré en France et d'y avoir prêché l'Évangile
malgré la défense du Roy" ( p 31 ).
DOUEN dans son ouvrage "Les premiers pasteurs du Désert" s'attache à suivre la
destinée de Gabriel MATURIN après son retour, et conteste cette version. Pour lui :
"I1 n'alla pas à l'Ile Sainte Marguerite... non plus à la Bastille... non plus aux
galères... où MATURIN fut-il enfermë,nous l'ignorons, aussi bien que les dates
précises de son arrestation ( fin 1689 ), de sa délivrance et de sa mort". Point
d'histoire qui reste donc à éclaircir ! ( BEP 7822 p 242/243 ).
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II.-
LE PROTESTANTISME AU XVIII° MALGRÉ LA RÉVOCATION:
1/ Les débuts du XVIII° :
a) L'obstination des Protestants :
La Déclaration du 5 mars 1715 affirme qu'il n'y a plus de protestants dans le royaume,
c'était faire preuve de beaucoup d'optimisme puisque la Déclaration du 14 mai 1724
revint aux ri gueurs de la Révocation. En Agenais, François HEBERT, évêque d' Agen de
1704 à 1728, déclarait n'avoir pas rencontré moins de 40 000 protestants dans son
diocèse d'Agen au cours de ses tournées pastorales.
Les archives de l'Evèché d'Agen donnent accès à un "Mémoire des Prétendus
Réformés les plus obstiné f de Monflanquin" en ce début de XVIII°,
l'évèque d'Agen ayant fait effectuer un véritable dénombrement de la population
réformée par les curés des paroisses. ( A A G/H 362 ).
"Les noms des particuliers les plus obstinés qui ne se contentent pas de ne faire
aucune fonction de catholiques mais encore empêchent que ceux qui auraient de bonnes
intentions ne fassent leur devoir à Monflanquin...".
"Jean CARILHOU bourgeois est un homme aussi dangereux en matière de religion... I1 a
beaucoup de biens et est regardé comme le chef de ce canton."
"Dans la paroisse. juridiction de Monflanquin M° Jacob de MATURIN et frère du
ministre qui est encore une personne très dangereuse...".
I1 y a "besoin pressant de s'assurer de Marie CAMBON... et Marion REY qui font le
métier de prophétiser comme faisait la servante de MATURIN qui fut défaite à
Libourne... Elles sont retournées en ville quoiqu'on les en ait chassées."
"Jacques PONS confiseur qui est originairement à Fumel est aussi une peste en
matière de Religion; il ne garde aucune mesure en matière de Religion... en faisant
profession d'aller au cabaret comme chef des-joueurs et des libertins pendant les Saints
Offices ... C'est encore lui qui est le dépositaire de toutes les lettres des
pays étrangers pour les communiquer aux autres."
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b) Les contraintes contournées:
Beaucoup de protestants, dans les quarante premières années surtout du XVIII°, ne se
sentant pas le courage de vivre sans état-civil, juraient tout ce que les prêtres leurs
demandaient et faisaient tout ce qu'ils exigeaient; mais leur mariage enregistré et béni
ne retournaient plus à l'église et allaient au Désert, ce que dénoncent de nombreux
rapports adressés à l'Evéché d'Agen et venus de Monflanquin ( A A G/H
362 ).
"On me presse depuis quelques jours de donner un certificat en faveur de Monsieur
LISTRAC et sa famille. J'ay différé jusques à présent à le faire parce qu'il ne peut
lui être avantageux. I1 est vrai que je l'ai vu trois fois au sermon et une fois deux de
messieurs ses enfants, mais jamais à la messe ny à vespres, et lui ayant demandé le
plus doucement qu'il m'a été possible quels étaient les articles de notre profession
qui faisaient peine, et offert de luy donner les éclaircissement dont je pourrais être
capable il a toujours détourné le discours et m'a répondu fermement qu'il venait pour
me voir et non pas pour autre chose... et il m'a dit la dernière fois que c'était
Monsieur le curé son directeur. C'est Monseigneur tout le témoignage que je puis rendre
de luy. Votre grandeur je ne le crois nullement converti..".
"Je vis plusieurs fois le sieur GORRE à l'église avant qu'il épousat et on a remis
un certificat en forme qui faisait foy que la fiancée allait à l'église à la paroisse
à Gontaud; il était signé du sieur JAMMES curé...".
I1 arrive même que la complaisance des curés soit en cause comme le démontre "le
mémoire contre l'Archiprêtre de Monflanquin" ... lequel "comme les
informations l'indiquent: prend beaucoup d'argent de tous les mariages qui se font surtout
des nouveaux convertis... jusques à 2, 3, 4, 5, 6 Louis d'or de chacun qu'il les
épouse..." Une pièce d'or pour les riches, un écu d'argent de trois livres pour
les pauvres selon son tarif, ce qui lui vaudra d'avoir des démêlés avec l'official.
c) Le renouveau: les Eglises du
Désert:
Peu à peu secrètement les Eglises du Désert se reconstituent. Entre 1752 et 1760 ont
été dénombrées 25 églises du désert, la grande majorité dans la région du
confluent Lot/Garonne, quelques unes autour de Monflanquin.
Dans son ouvrage "Chroniques des Eglises Réformées de l'Agenais" A. LAGARDE
donne des précisions sur la disposition de ces églises du désert : "Des piquets
reliés les uns aux autres par une corde formaient une enceinte circulaire consacrée aux
fidèles, chaque pilier supportait une chandelle. La chaire était adossée à un arbre
sur l'un des points de la circonférence... Hors de l'enceinte et convenablement
éloignés étaient placés les hommes de confiance chargés de surveiller les
alentours... La lecture de la parole de Dieu, la prière, la prédication, le chant des
psaumes, la Sainte Cène, la bénédiction des mariages et la célébration des baptêmes
occupaient presque toute la nuit".
Un pasteur zélé, Antoine COURT ( 1696 - 1750 ) - qui a su gagner la bienveillance du
Régent en contrecarrant les projets d'ALBERONI - vient rétablir l'organisation
protestante. Dès 1715, il réunit un synode provincial à Nîmes et de 1726 à 1763 vont
se succéder 8 synodes nationaux.
De cette époque, 1726, une lettre de A. COURT signée d'un de ses pseudonymes,
DEGOUTREPAC, sans inscription ni adresse. ( B S H P F 1882 p 353 )
"Quelle gloire pour vous si par ides soins redoublés vous pouviez parvenir à
remettre sur pied tant de belles églises... Tonneins, Clairac, Castelmoron, Monflanquin,
Montaud, Castelnau de Gratecombe etc... qu'il y avait autrefois dnas le canton...
C'étaient autant de lieux qui formaient autant d'églises et qui composaient le Colloque
du Haut Agenais... Vous avez besoin de beaucoup de prudence et de ménagement, de
dextérité surtout dans le commencement".
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2/ La
deuxième partie du XVIII, après 1763 :
- a) La vie protestante:
dans les années 60/70:
Dans les années 60, le climat social et religieux change. La prospérité des Réformés,
réfugiés dans le négoce car chassés officiellement des charges publiques et de toutes
les professions libérales, est un élément de prospérité générale que ne néglige
pas l'Intendant de Guyenne . .
La correspondance du Pasteur de Monflanquin RENOULEAU avec les pasteurs du Poitou entre
1764 et 1768, dans le respect du synode national qui a ordonné "qu'une exacte
correspondance soit entretenue entre toutes les Provinces du Royaume", permet
d'appréhender cette évolution à Monflanquin ( B S H P F / M.S. 351 ).
"En date du 9 avril 1764 nous jouissons grâce à Dieu d'une grande tranquillité
dans notre Province... Notre Assemblée provinciale a fixé à chaque pasteur son quartier
et m'a alloué celui du Haut Agenais: c'est le quartier de Monflanquin... I1 faudra donc
que vous m'adressiez vos lettres sous enveloppe de R. LABISSIERE jeune à Fumel# par
Villeneuve d'Agen" ( p 95)
En date du 3 octobre 1764 "Fin juillet... le maréchal de RICHELIEU, gouverneur de
cette province a chargé le Comte de BEAUMONT gouverneur de Bergerac... avec ordre de n'y
pas contraindre par menaces ni aucune persécution d'engager de faire porter tous les
enfants baptisés par les pasteurs à l'église Romaine pour y recevoir les cérémonies
de cette église... et être enregistrés sur les Registres de la Paroisse... En Haut
Agenais, il ne s'est pas trouvé de lâches, mais l'orage n'est pas passé... "Seul
point noir le malheureux schisme DUBOIS" ( p 110).
En date du 3 janvier 1765, "on continue de nous tracasser... c'est à dire pour les
baptêmes seulement, on met tout en oeuvre... je ne sais plus de quel côté me tourner...
pour qu'on laisse mes gens ttanquilles. Re les ai menacés de les abandonner s'ils ne
montraient pas plus de fermeté ( dîtes-moi si je dois le faire ? ) ... Pour le reste
nous jouissons de la même tranquillité que les autres quartiers... I1 faut observer que
nous n'avons pas de paysans... je n'ai que 7 à 800 personnes quoique mon quartier soit
étendu de 10 lieues." ( p 114 )
En date du 25 juillet 1665, "Quand le contre avis est arrivé nos députés étaient
sur le point de partir, toutes les dépenses étaient faites. Le malheureux DUBOIS
soutient toujours son parti schismatique... il est à craindre même que le parti ne se
grossisse car il suffit quelque fois qu'une chose soit défendue pour qu'on la
recherche... C'est là une terrible écharde que nous avons..." Par ailleurs
"Nous sommes assez tranquilles.." (p 142).
b) Restructuration de l'Agenais:
C'est. dans ce climat que l'Agenais Protestant va véritablement st réorganiser comme en
fait état l'intéressante étude de Jean Michel HORNUS ( RA 1963 p 136 ).
Dès 1752, sous l'impulsion du Pasteur André GRENIER de BARMONT s'organisent les églises
de cette région : la constitution de la Province Ettlésiastique de Périgord/Agenais,
jusque là rattachée à la Saintonge, est décidée par une décision du Synode national
de 1763 ; premier Synode de la Nouvelle province se tient en décembre de la même année.
Le synode de la Province Périgord/Agenais, des 7 et 8 mai 1771, met en valeur les
dissensions du protestantisme agenais dans la deuxième moitié du XVIII°, avec pour
toile de fond de la vie des Eglises de la région le schisme DUBOIS qui perdurera pendant
trente ans. Mais c'est, pour Monflanquin, l'affaire RENOULEAU elle même qui prend le pas
. ( p 152 ).
RENOULEAU, dont le pseudonyme est de l'ÉTAIN, appartient à une vieille famille
protestante de Royan; il est admis en 1761 comme pasteur en Agenais après ses études à
Lausanne. En 1769 il est d'abord suspendu puis "on lève sa suspension l'autorisant
d'exercer partout où il sera légitimement appelé excepté seulement dans le quartier de
Monflanquin, composé des Eglises de Monflanquin même, Libos et Castelnaud, à cause des
dispositions actuelles d'un grand nombre de fidèles contre lui...". Celui-ci
"refuse de s'incliner, soutenu par une partie de ses paroissiens". En 1776,
l'affaire étant toujours en suspend le synode nomme une commission et un pasteur de
Montauban vient se fixer : Jacques SOL dit ELIOS sans pour autant que RENOULEAU ne se
retire . ( p 156 ).
Il y a donc à cette époque deux pasteurs concurrents sur le même territoire ce qui
révèle les difficultés du système presbytérien/synodal, théoriquement
caractéristique du calvinisme français, souvent déformé soit par les tendances
autoritaires de certains pasteurs, soit par les tendances congrégationaliste de certaines
églises. Et c'est ainsi que dans "l'Agenais, la population protestante, après avoir
traversé victorieusement un siècle de clandestinité a beaucoup moins supporté la paix
retrouvée". ( p 159 ).
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c) Le problème de l'état-civil:
Le temps n'est plus donc où les protestants s'astreignaient à un simulacre de mariage
catholique, ils se contentent seulement par un reste de prudence de faire baptiser leurs
enfants deux fois; pour les sépultures les procureurs donnent dorénavant des
autorisations civiles d'ensevelissement. Cette tolérance aboutit à l'Edit de 1787 qui
rend aux protestants une vie civile, Louis XVI tenant à préciser " l'Edit
concernant mes sujets non catholiques se borne à donner dans mon royaume un état-civil
à ceux qui ne professent pas la vraie religion... C'est là son seul objet. Avant la
Révocation de l'Edit de Nantes, les Protestants avaient une existence religieuse, mon
édit ne leur en donne aucune."
- Ce n'est qu'en 1789 que les protestants de Monflanquin vont se faire inscrire sur
les listes de l'état-civil de leur juridiction avec effet rétroactif . (
A A 181404/1404 Bis ).
Du 16 juin au 31 décembre 1789, vingt sept couples vont faire enregistrer leurs mariages;
le premier à montrer l'exemple étant "Noble Louis de VEDRINES ancien Lieutenant
d'Infanterie et Dame Marie de VÉDRINES son épouse habitants du lieu de Martel Paroisse
Roquefaire. Lesquels ont dit que désirant satisfaire à l'édit Royal daté de Versailles
17 novembre 1787 et enregistré au Parlement de Bordeaux le 9 février dernier et au
greffe du présent siège le jour d'hier... Ils nous déclarent être unis depuis le 15
septembre 1783 du consentement de leur mère commune ainsi que de celuy de leur plus près
parents, qui ont signé leur contrat de mariage le 28 juin 1783 retenu par Monsieur REY
notaire royal de cette ville, leur père étant décédé longtemps avant leur mariage; et
avoir eu depuis leur cohabitation 3 enfants savoir 2 filles Magdeleine et Elisabeth toutes
deux décédées en très bas âge... et Antoine âgé d'environ 25 mois. Pour la
sincérité de leurs déclarations se sont présentés Sieur Jacques BRUGALIERES et Pierre
MALESPINE négociant, Etienne BAFFOI Maître e' chirurgie. et Jean SAINT BRI
bourgeois."
C'est 1e la déclaration-type de la reconnaissance des mariages protestants en 1789 à
Monflanquin; on le retrouve pour les familles BRUGALIERES, BIOU, LACROIX, AMOUROUX,
LAPARRE, FOURNYE DE St AMANSiVERNEJOUL,LABBIE, MORET, BÉCAYS DE LA BRUYERE, EYMA, CARRET,
GRIFFOUL, GARRIGOU, DERMICHEL, LALBIE, AUGIER, RENOULEAU, apparemment celui là même qui
avait tant troublé la vie des protestants de Monflanquin pour l'heure regroupés autour
de leur pasteur JALABERT ( B S H P F 1966 p 194 ) .
Ce n'est que le vingt huit décembre 1789 que Louis XVI envoie ses lettres de Patente en
forme d'Édit qui met en vigueur le décret de l'Assemblée Nationale selon lequel
"Les non-catholiques sont capables de tous les emplois civils et militaires, comme
les autres citoyens" faisant des protestants des citoyens comme les autres ./.
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Georges 0 D 0
Bibliographie
Indiquée entre parenthèses, en fin de paragraphes
A A : Archives Agen - suivi du n° répertorié
R A : Revue d'Agenais - suivi de l'année et de la page
B S H P F : Bulletin de la Société d*histoire du Protestantisme français - suivi de
l'année et de la page
-
A P F : Archives Personnelles de Familles - suivi du nom
B P P : Bibliothèque Protestante Paris - suivi du mon de l'auteur et du n° répertorié
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Sites internet à
consulter :
Document traitant de la reprise de la messe catholique à Monflanquin. Accompagné d'un
résumé pour être utilisé en classe.
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